Actualité politique européenne et services publics

8ième Congrès de la CGT des services publics, Perpignan, 7 - 11 mars 2005 

Intervention de Carola Fischbach-Pyttel, Secrétaire Générale de la FSESP

Cher(e)s camarades,

Je voudrais vous apporter le salut fraternel et solidaire de la FSESP. Comme vous pouvez le lire à la page 8 de votre document de Congrès, nous sommes une fédération syndicale européenne affiliée à la CES. En fait, nous sommes la fédération sectorielle la plus large au sein de la CES. Nous regroupons maintenant plus de 190 syndicats du secteur public représentant 10 millions de travailleurs. Le défi est évidemment de ne pas peser uniquement en terme de chiffres, mais de jouer pleinement notre rôle syndical par notre capacité à développer des orientations politiques et plus important encore des actions communes.

Au moment où l'Europe a franchi une étape significative avec l'élargissement de l'Union à 25 pays membres, où nous sommes confrontés à une Commission européenne ultra-libérale, avec une majorité parlementaire de droite, il semble bien que nous soyons confrontés à une crise de confiance des citoyens concernant l'idée européenne en tant que telle. Pour s'en convaincre, il suffit de voir ce qui s'est passé ou ce qui se passe dans plusieurs de nos pays au niveau des élections : retour au populisme, regain des idées radicales telles que le racisme et la xénophobie, thèmes développés par une extrême-droite menaçante. L'orientation de l'Union européenne elle-même est mise en question. Est-ce que nous allons tout simplement vers un marché unique élargi avec un risque de dumping social accru, ou est-ce que nous construisons une Union européenne politique, plus démocratique et plus sociale ? Votre résolution sur les services publics décrit très bien la polarisation à l'échelon européen entre une UE sous diktat des règles de marché et de la concurrence et un modèle social européen, centré sur les besoins des citoyens. L'enjeu, il est là, et nous savons tous combien le débat actuel sur le traité constitutionnel européen est compliqué. Pour autant, je ne vous cacherai pas que j'ai une autre position que la vôtre : je partage la position majoritaire au sein de la CES et je pense que le traité constitutionnel est un pas en avant, surtout si l'on tient compte des tendances politiques actuelles qui dominent les politiques européennes. Mais le but de la FSESP n'est pas de se lancer dans une campagne « pour ou contre » la constitution, puisque au bout du compte, il appartiendra à chacune et chacun de se positionner lors des référendums programmés dans les pays membres qui ont choisi cette voie de ratification.

Mais d'ores et déjà, il faut bien être conscients que la construction européenne a des incidences directes sur notre vie quotidienne, non seulement au niveau des citoyens, mais aussi au niveau des travailleurs et de leurs organisations syndicales.

Ainsi, que nous le voulions ou non, la dimension européenne prend de plus en plus de place dans nos activités syndicales et se trouve au cœur même de la réflexion et de l'action syndicale. Je me félicite donc de voir que la CGT Services Publics s'engage pleinement dans le travail de notre fédération.

Quels sont les objectifs de notre fédération européenne ? Ces objectifs ont été déterminés lors du Congrès de la FSESP qui a eu lieu à Stockholm en juin 2004 :

-* Défendre et promouvoir des services publics de qualité pour les citoyens d'Europe,

-* Créer les conditions nécessaires à l'instauration de plus de justice sociale et d'un développement durable,

-* Promouvoir le dialogue social pour parvenir à la signature d'accords collectifs européens au niveau sectoriel.

La majeure partie du travail syndical de la FSESP s'effectue au sein des 4 comités permanents correspondant à des secteurs publics bien définis :

-# Comité permanent pour l'Administration Nationale et Européenne (fonctionnaires d'Etat/fonctionnaires européens)

-# Comité permanent pour l'Administration Locale et Régionale (territoriaux, communaux) -# Comité permanent « Santé/Services Sociaux »

-# Comité permanent eau, gaz, électricité, déchets.

Le travail « politico/syndical » s'effectue par le biais d'un dialogue permanent avec :

-* La CES,

-* La Commission

-* Le Parlement européen

-* Les employeurs publics.

Ce que nous essayons de faire, c'est d'obtenir la reconnaissance pleine et entière de l'idée selon laquelle, dans le « modèle social européen », les services publics assurent véritablement la cohésion sociale et territoriale, en intégrant chaque jour davantage le concept de développement durable.

Pour toutes ces raisons, nous devons poursuivre la réflexion et l'action en répondant à plusieurs interrogations :

-* Celle de la compatibilité entre libéralisme, dérégulation, privatisation et services publics de qualité, garantie d'égalité entre tous les citoyens,

-* Celle de la défense et de la promotion du « modèle social européen » avec des emplois qualifiés et stables, bien rémunérés, avec un bon système de protection sociale, alors que nous constatons chaque jour plus de flexibilité, de précarité et de soi-disant ‘réformes', qui en vérité se traduisent dans les faits par des coupes sombres dans les prestations et par la perte de droits.

Et les signaux politiques précédant le prochain Sommet de printemps ne sont pas de nature à nous rassurer. On continue avec l'obsession libérale - voire ultra-libérale - d'ouverture au marché, incarnée de manière ‘pure et dure' par le projet de directive ‘services', dite ‘Bolkestein'. C'est face à la forte opposition des syndicats et de la société civile dans son ensemble que la Commission semblerait maintenant être disposée à faire des concessions. Mais la Commission ne retire toujours pas son projet. Ce n'est pas la Commission qui va présenter des amendements, ce seront les députés européens.

Restons donc vigilants et combatifs.

C'est pourquoi il est essentiel que la mobilisation se poursuive. Voilà une des raisons principales pour manifester en force le 19 mars prochain à Bruxelles. Nous disons un ‘non' très clair à ce projet de directive.

L'autre projet politique qui nous préoccupe est la révision proposée par la Commission de la directive relative au temps de travail. La Commission préconise une pérennisation du ‘opt-out' (clause dérogatoire) individuel(le), dogme diamétralement opposé à l'idée même d'un cadre législatif européen. Contrairement à d'autres situations, la Commission s'obstine sur le temps de travail en allant à l'encontre des arrêtés de la Cour de Justice Européenne en ne considérant pas le temps de garde sur le lieu de travail comme du temps de travail mais en proposant de faire une distinction entre phase active et inactive. L'autre élément inquiétant de cette révision, c'est l'annualisation des périodes de référence pour le calcul des heures de travail. Pour la FSESP, ces propositions sont surréalistes et franchement scandaleuses !

Cher(e)s camarades, comme pour la directive ‘Bolkestein' il est urgent et important de mener une action coordonnée contre ces propositions au niveau national et européen. Soyons clairs : l'attaque menée contre la directive temps de travail en tant qu' élément clé de la dimension sociale va de pair avec les attaques coordonnées de la part des employeurs et de certains politiciens d'augmenter le temps de travail. Alors, nous devons nous battre.

« Ceux qui luttent, peuvent perdre. Ceux qui ne luttent pas, ont déjà perdu » disait Lénine. Pour vivre de manière digne, avec des services publics de qualité capables d'offrir une ‘garantie d'exercice' des droits des citoyens, il nous faut lutter de manière toujours plus et mieux coordonnée, plus solidaire.

Merci de votre attention et tous mes vœux de réussite pour les travaux de ce Congrès.